tenbu_hou_rin a écrit :Je pourrais contre-objecter qu'à aucun moment je n'essaie de comparer la condition d'un échantillon à un autre.
Astuce de langage : décrire, c'est toujours comparer tacitement. Mais enfin : retenu. Contentons-nous d'observer que tu as pris un exemple très particulier (la première femme, très riche, très belle, très intelligente, avec un ascendant d'âge de 15 ans sur son homme) à l'heure de parler du degré d'émancipation réelle des musulmanes, femmes qui sont dans l'ensemble souvent plus pauvres et plus jeunes que leur époux.
tenbu_hou_rin a écrit :Je me lis et je me relis et je ne vois pas ce qui a pu t'amener ici. L'idée est plutôt que de démonter le fait que ce soit la culture moderne qui soit à l'origine de l'émancipation de la femme. Comparer les gens de cette époque et de la notre n'a aucun intérêt dans cette optique. Je ne nie pas que nous ayons de très bons agriculteurs, et que dans une société d'abondance les rapports hommes/femmes sont différents que dans une société de rareté. Je constate que pendant la guerre en Yougslavie, des femmes se prostituaient pour une boîte de conserve et je ne lie pas ça à l'orthodoxie chrétienne.
Tu pourrais. Le catholicisme et l'orthodoxie (slave, pas grecque) sont relativement complaisants à l'égard de la prostitution. Si la Serbie avait été protestante, elles auraient pris plus de risques en se prostituant qu'en manquant une occasion de choper une boîte de conserve.
tenbu_hou_rin a écrit :Je vais finir la blague : "elle s'est faite prendre par le prophète à 9 ans, c'est un pédophile!"
Ce n'est certes pas là que je voulais en venir. Personnellement, j'y vois une propagande islamophobe sans grand intérêt. J'essayais simplement de t'encourager à éviter les cas extrêmes dans tes démonstrations : On ne démontre rien de plus sur l'émancipation des femmes en parlant de Khadidja que les islamophobes sur leur soumission en nous matraquant avec Aïcha. C'était plus un plan comme ça, à vrai dire ... Un genre d'ockhamisation des cas spéciaux.
tenbu_hou_rin a écrit :J'ai des doutes là dessus. D'abord parce que cela entrainerait des incohérences avec beaucoup d'autres hadiths
C'est une des caractéristiques de ce corpus. Il est très très difficile de tomber sur des détails circonstanciés qui ne donnent lieu à aucune incohérence. A tel point que faire une "biographie islamique cohérente du Prophète" est impossible : chaque imam raconte tout et son contraire, ne s'entendant tous que sur certains évènements très précis. Et cela fait incontestablement partie du charme et de l'intérêt des hadiths : Si les musulmans avaient voulu "une biographie officielle" efficace pour mettre tout le monde au diapason, ils étaient bien évidemment assez futés pour s'en occuper. L'intérêt des hadiths, c'est leur mystère, leur incohérence parfois, et leur valeur ad hoc.
tenbu_hou_rin a écrit :je ne vais pas me faire chier à tous les citer, mais si elle dit qu'elle était une jeune fille en 614, par exemple ça ne colle pas, aussi parce que ça la ferait participer à une bataille où elle est sensée être gamine sachant que les moins de 15 ans n'y participaient pas.
Je te crois volontiers et n'argumenterait pas sur ce point : on sort trop largement de mon champ de compétence.
tenbu_hou_rin a écrit :Ensuite, parce que c'est quelque chose qu'on a commencé à lire en masse dans les sites "islamophobes" juste au début des années 2000, après la seconde intifada. Quand les carrières d'Elisabeth Lévy et Eric Zemmour ont explosé, quand Finkielkraut a commencé a se rendre compte qu'il y avait du racisme anti-blanc, etc.
C'est vrai, ce qui ne tranche pas la question : ceux qui ressortent les points contestables d'un système sont toujours des adversaires, ils le font toujours avec une intention, avec un crayon un peu fort et une mauvaise foi évidente. Ce qui ne suffit pas à disqualifier l'élément factuel soulevé. Sur ce genre de cas, j'ai une approche un peu "statistique", "voie du milieu" : quand je parle du degré d'émancipation de la femme musulmane, j'essaie d'éviter de me pencher trop sur le cas du prophète. Et j'évite en particulier son premier et son troisième mariages, qui me semblent être des cas d'exception, assez coupés du rapport homme-femme que j'ai pu observer dans le monde musulman. Je n'ai évoqué le 3ème qu'en réaction à ton illustration par le premier. Pour le reste, tu ne trouveras chez moi pas un os islamophobe, élizabeth lévitique, sauerfinkielkrautien, ni même Zemmourien (sur la question de l'Islam : je peux tomber d'accord avec lui sur d'autres sujets).
tenbu_hou_rin a écrit :Un jeune assez naïf pour prétendre penser ex-nihilo ne m'inquiète pas
Il n'est pas question de penser ex nihilo, je me contente de défendre l'idée qu'assimiler toute "Idée primaire", tout axiome, et toute valeur fondamentale à un dogme relève plus d'une incompréhension du mot grec "dogma" que de la lucidité.
tenbu_hou_rin a écrit :Cela me fait penser à la façon dont on m'a présenté la philosophie en classe de terminale. Le fait de commencer par le "je pense donc je suis" n'est pas politiquement neutre, pas plus que la manière dont est relatée la seconde guerre mondiale ou la révolution française.
Rien n'est politiquement neutre, fors la science "dure", jusqu'à un certain point. Et alors ? J'ai l'air de quelqu'un "qui est parce qu'il pense" ?
tenbu_hou_rin a écrit :Je ne vois pas en quoi. [le dogme serait la tautologie plutôt que l'axiome]
Parce que le christianisme a déformé le mot "dogma" pour accoucher de "dogme", avant que celui-ci ne soit "réinjecté" en philosophie, politique, Histoire, etc. Notamment pour lui ajouter deux propriétés : la valeur incontestable puisqu'universelle, et surtout l'intangibilité. Ce qui définit très exactement une tautologie : valable pour tout le monde partout et tout le temps, prétendant "démontrer" la valeur d'un axiome par le fait que tous ses produits y ramènent.
tenbu_hou_rin a écrit :Mais dire que "l'axiome, c'est l'Idée" c'est un dogme
Non. Et cette petite tentative de mindfuck ne passera pas sur moi. Le point que je soulève est terminologique, et le langage relève d'une convention, pas d'un dogme. Ce à quoi tu pourras répondre "dire que le langage relève d'une convention" est un dogme, ce qui entraînera une réponse identique de ma part. On ne philosophe pas sur des sophismes.
tenbu_hou_rin a écrit :c'est à dire une affirmation qu'on décide incontestable et sur laquelle on va s'appuyer pour raisonner.
Dès lors qu'on la juge incontestable, on ne raisonne plus. Car la condition initiale élague l'arbre des effets de tout ce qui ne reviendrait pas à une répétition du dogme. Un axiome est une Idée (qu'on juge souvent contestable) mais qu'on admet pour en étudier les implications. Il faut d'ailleurs qu'elle soit potentiellement contestable, sous peine d'annuler l'intérêt de la réflexion.
tenbu_hou_rin a écrit :A moins que tu veuilles me démontrer que "l'axiome, c'est l'Idée" en t'appuyant sur autre chose.
Les définitions philosophiques des mots "axiome" et "Idée" me suffisent.
tenbu_hou_rin a écrit :Dans ce cas il faudra aussi démontrer les éléments sur lesquels tu t'appuies, etc.
Ce sera très long, mais ça n'a rien de de difficile. Au bout de mes démonstrations, tu trouveras des Idées. Au bout de mes Idées, tu trouveras des axiomes. Au bout de mes axiomes, tu trouveras des définitions et des mots et des constantes. Et au bout des mots, tu trouveras des préférences et des enjeux esthétiques. Et au bout de ça, tu ne trouveras rien de cohérent (une suite de traumas, un genre de "biographie psychanalytique, déformée par ma propre incompréhension de moi-même), comme chez tout un chacun.
tenbu_hou_rin a écrit :Et on ne fait pas d'Idées sans ?
Sans mots.
tenbu_hou_rin a écrit :Je suis d'accord avec tout ça mais je ne vois pas le lien.
Il est évident : le "dogme" est une tautologie (contrairement au dogma grec), ce qui en fait l'ennemi naturel de toute philosophie et l'éloigne de ce que peut être un axiome. C'estce qui fait que dokein en grec signifie "juger, estimer, penser de manière rationnelle", alors que "dogmatiser" est un acte de non-pensée en français. C'est un point central.
tenbu_hou_rin a écrit :C'est probablement un problème de définition.
Je ne dis pas autre chose, ce qui ne veut pas dire que ce soit anodin pour autant : Le problème de ta définition c'est qu'elle t'amène à amalgamer "dogme" et "axiome", ce qui est très problématique. Si tu vas par là, le souci de tant "d'hédonistes modernes" est un problème de définition. Le souci c'est que, ne comprenant rien au sens grec du mot "hédonisme", ils pigent de travers tout ce qu'ils lisent à ce sujet. Hors de la définition, point de salut.
tenbu_hou_rin a écrit :Cela m'étonne parce que tu cites Platon et pas Descartes dans ta signature, hors il s'appuyait sur des dogmes et ne s'en cachait pas.
Non. Il s'appuyait sur l'opinion axiomatique, dogma. Pas sur un dogme.
tenbu_hou_rin a écrit :Pour moi, ton A), c'est la vision qu'on pouvait avoir des prophètes à cette époque. Et justement ma petite explication correspondrait à la vision des prophètes bien que ce soit assez compliqué de se mettre à leur place.
Quant à ton B), pour moi c'est ce qu'il est advenu dans les faits de ces religions et c'est intéressant.
Concernant l'opposition entre judaïsme et christianisme, elle a aussi modifié et durcit le judaïsme, on peut s'intéresser aux descriptions dans le Talmud de Jésus. Non seulement celui-ci est à l'origine indirectement du christianisme mais aussi par ricochet du judaïsme tel qu'on le connait. Mais bon, il y a eu Vatican II depuis.
Pas chez moi. Ce qui fait qu'on aime bien me traiter d'antisémite : l'abandon de Vatican II présente le vice supplémentaire (par rapport à son effet direct de "réconciliation" bidon) d'avoir détruit l'idée d'antijudaïsme philosophique. Faisant indirectement passer tous ceux qui ne se reconnaîtraient pas dans la dialectique talmudique omniprésente de nos jours pour des nazis, et affaiblissant d'autant leur position dans le débat public. La vérité, c'est que la vraie France est antijudaïque parce que "la France éternelle" est pétrie de catholicisme bien senti. Et que ça structure même un athée comme moi.